Histoires de BARQUETTE(s),
La constitution de la première BARQUETTE fût, semble t-il bien antérieure à la celle de la PHILHAR en 1861 et remonte très certainement à la première partie du XIXe siècle si l’on en croit Étienne LABEILLE qui y fait allusion dans son livre « HISTOIRE de GIVORS » édité en 1912. Il mentionne notamment un autre ouvrage écrit par A. PEILLON en 1847 intitulé « La Vogue de Givors ». Voici un extrait de cet ouvrage :
« A cinq heures sonnant, accompagnant la foule,
Qui sur le quai désert, en long plis se déroule ;
Ecoutons les gamins fatiguant les échos
De leurs bruyants hourras et de leurs gais propos.
Mais soudain, de la foule, un cri part : « La Barquette ! »
Dans les eaux de Flévieux, en effet la coquette,
Doucement balancée au gré d’un vent léger,
Comme un cygne, semblait sur les eaux voltiger.
Aussitôt, au signal donné par la vigie,
Notre fort St Gérald, ouvrant la batterie,
Fait bondir ses vieux murs jusqu’en leurs fondations,
Et mêle son bruit sourd à nos acclamations.
Cependant La Barquette en louvoyant s’avance,
Portant, à son grand mât, le tronçon d’une lance,
Et l’on voit Gouverneur, à l’empeinte raidi,
Tourner l’anque, aborder en s’écriant : Toti !……
…..Notre Barquette à peine touché terre
Qu’on saute à l’abordage, à l’avant, à l’arrière,
Saluant de Descours le complet bataillon,
Depuis le fifre aigu, jusqu’au grave piston. »
Bien qu’il y eut des musiciens à Givors avant la fondation de la Société Philharmonique en 1861, La Barquette apportait à nos musiciens locaux un renfort alors nécessaire… En effet, tout porte à croire dans ce récit que La Barquette de DESCOURS n’était pas Givordine mais qu’elle descendait le Rhône en provenance de Lyon ou du sud de Lyon. Je rejoins la les conclusions de Jacky BARDOT qui bien avant moi a fait un travail remarquable de recherche sur les traditions musicales Rhodaniennes. Avant cela les vogueurs défilaient alors au son du fifre et du tambour…voici ce qu’écrit Étienne ABEILLE en parlant de la traditionnelle ritournelle qui accompagnait les vogueurs:.
« C’était charmant d’entendre ses notes joyeuses et claires ; elle donnait, au défilé des vogueurs, de la couleur locale, et relevait un peu ce gros lourdaud de tambour, qui ne sait dire que ran planplan, ran plan plan….
…Une année, le fifre n’a point paru. Le musicien était-il mort ? Son instrument était-il aphone ? Chacun regrettait le fifre au gai refrain, et pensait : nous le reverrons l’an prochain aux côtés du tambour. Mais les années ont passé, et le joyeux fifre n’est jamais revenu. C’est dommage.
Une tradition s’est pourtant maintenue, et vivra sans doute longtemps encore ; c’est l’usage de La Barquette. Aussi bien à Givors qu’au Canal*, il serait facile d’organiser, sur la terre ferme, l’estrade pour l’orchestre de la joute, mais Dieu merci, on ne procède pas ainsi, et les musiciens sont installés dans un bateau, ornementé de drapeaux et de lances, c’est la Barquette.
Au XVIIe siècle, un coche d’eau faisait régulièrement le service entre Lyon et Vienne, avec escale à Givors. Ce coche s’appelait La Barquette. Est-ce parce qu’un de ces coches servait autrefois pour l’orchestre de la vogue de Givors que le nom s’est conservé à notre bateau ? Ou bien, ce nom a-t-il été donné simplement par analogie, parce que, jadis, le bateau de la vogue, tout comme une barquette, descendait de Lyon, le samedi de la fête, portant les musiciens ? Qu’importe ; il est certain que le nom de La Barquette est une survivance de notre ancien coche du Rhône… ».
*Vers 1835 une bagarre générale se déclencha lors du bal de la vogue entre Canaris (habitants de Givors Canal) et Givordins (habitants de Givors Ville) à cause d’une sombre histoire de danse alors bannie à Givors mais prisée par les Canaris. Suite à cet incident chaque quartier organisera désormais sa propre vogue…
A l’époque où Étienne LABEILLE écrit ces lignes, le maestro populaire Givordin Jules MOUTON, est à la tête de La Barquette de la Philhar, animant vogues et tournois de joutes nautiques. Des écrits de 1902 extraits du journal « L’éclaireur de Givors » relatent, dans son édition du 2 août, le programme de la Vogue annuelle de Givors qui s’étalait alors sur 3 jours. La Barquette de Jules MOUTON animait non seulement les différents tournois de joutes mais jouait aussi la sérénade aux commerçants le matin et animait le bal du soir. Nous retrouvons la photo de Jules MOUTON posant avec son ophicléide sur le programme des fêtes musicales organisées à Givors les 8 et 9 mai 1937.
Des Barquettes il y en a eu bien d’autres après celle de Jules MOUTON au cours du XXe siècle : celles de CHAMPIN, BELLANGER, GONNET, TERRY, DREVET…et j’en oublie. Soulignons ici l’entière dévotion de M. GONNET à la musique puisqu’il a formé pas moins de trois générations de musiciens au sein de la Société Philharmonique d’abord puis du Conservatoire Municipal de Givors ensuite. Il a aussi dirigé la PHILHAR pendant une bonne dizaine d’années ainsi que l’Union Musicale de Charly à une époque où les associations collaboraient déjà entre elles, comme nous le faisons aujourd’hui.
Plus proche de nous, dans la deuxième partie du XXe siècle, La Barquette s’était reconstruite autour des nombreux musiciens de la classe 50. On y retrouve MM CAMPONE, COLOMBIER, DURIEUX, FORTUNA, MICHALON, RAVAZ… entourés d’autres musiciens de la Philhar comme BRUNEL, CERRO, COLOMBIER Marius, DREVET, SALAS…C’est ce groupe qui en 1969 enregistra le premier disque produit par la Société Philharmonique Instrumentale.Nous devons cette enregistrement à Mr Raoul BARTHALAY, alors directeur musical de la Philhar, qui préfaçait ce disque ainsi :
« Au cours des XVIIe et XVIIIe siècles, le folklore Givordin était encore, fort probablement, celui du Lyonnais.
Dès le début du XIXe siècle, avec le développement de ses industries locales et surtout de son port et du trafic fluvial, on assiste à une transformation complète du folklore local.
Les mariniers venant du nord et ceux venant du midi, apportent des chansons nouvelles.
On joue surtout dans les vogues, où les joutes sont toujours à l’honneur, les airs à la mode ; on danse ces fameux quadrilles, si prisés par les gens du peuple vers le milieu du XIXe siècle.
On adopte définitivement certains thèmes, qu’on transforme, qu’on adapte, chaque instrumentiste apportant, selon son inspiration ou selon sa technique, une variation personnelle.
Ce sont ces airs qu’on retrouve aujourd’hui parmi d’autres plus anciens, vestiges d’un folklore plus riche et plus enraciné.
Peut-on les considérer comme des airs d’inspiration vraiment populaire, je ne le crois pas, maison peut leur faire une place dans le patrimoine régional au même titre que les sites et les monuments de la vallée.
Ecoutez donc des airs de bon aloi, qui depuis plus de cent cinquante ans, ont apporté tant de saines joies aux Givordins du peuple. »
La Barquette de cette époque s’est peu à peu détachée de la Philhar pour voguer vers d’autres horizons avant de disparaître définitivement, remplacée par la jeune génération qui prit le nom de «Barket’s »…
Jo CERRO ex musicien de la Philhar et de l’ancienne Barquette souhaitait cependant perpétuer le nom de « La Barquette » et déposa en préfecture en février 2000 les statuts d’une nouvelle association nommée « La Barquette de Givors ». Cette association a pour but de promouvoir la musique de rue et s’est éloignée peu à peu des bassins de joutes. Elle est composée d’excellents musiciens amateurs et professionnels et rayonne au plan régional, voire national. Son effectif a beaucoup évolué depuis 2000, composé aujourd’hui de 6 musiciens dont un seul Givordin…
Quand en 2005, le président de La Philhar, Christian GAUTHIER, me propose de relancer La Barquette de la Philhar, je rassemble aussitôt les quelques partitions existantes léguées par Victor FORTUNA, l’oreille des musiciens fera le reste. Je demande également à Hélène et son frère Alain, deux musiciens de la Philhar qui avaient eu l’occasion de jouer dans l’ancienne Barquette avec leur oncle Balthazar SALAS de se joindre aux meilleurs des jeunes musiciens, tous issus des rangs de la Philhar, afin de transmettre leur propre expérience. C’est cette bande d’une douzaine de copains/copines à qui dès 2006, la Société Nautique de Loire/Rhône fait appel pour l’animation des ½ finales du championnat de France méthode Givordine, en 2008 ce sera la finale nationale toutes méthodes confondues organisée par Vienne et St Romain en Gal. Jo CERRO qui nous appelle affectueusement ses filleuls, fait également appel à nous pour l’épauler quand sa Barquette de Givors est déjà engagée ailleurs ou quand ses musiciens sont retenus par d’autres activités, comme par exemple pour l’animation de la rue Mercière à Lyon à l’occasion de la percée du Beaujolais nouveau. C’est à chaque fois avec beaucoup de plaisir que nous partageons ces moments entre musiciens.
La Barquette de la Philhar est aujourd’hui bien vivante à Givors et ses environs. Les siècles ont passé mais l’esprit et les valeurs qui animent cette formation sont toujours là : convivialité, camaraderie, animer les festivités locales et perpétuer la tradition et le folklore Givordin. Elle se distingue par ses couleurs jaune et noir rappelant les couleurs de l’abeille Givordine mais aussi rend hommage quelque part, aux Canaris de 1835, La Philhar ayant son siège place Picard, au coeur de Givors Canal.
Thierry MORETEAU
Président de la Société Philharmonique Instrumentale de GIVORS